Fusion Légugnon – Sainte-Marie

Jacques Dumonteil

Le 2 octobre 1828 le sous-préfet d’Oloron avait proposé au conseil municipal du modeste village de 126 habitants de Légugnon de fusionner avec Sainte-Marie. Celui-ci avait refusé en excipant notamment de sa longue habitude d’indépendance. Le 27 avril 1838 le sous-préfet revenait à la charge en proposant cette fois la double réunion de Légugnon et de Bidos à Sainte-Marie. Le conseil municipal et les plus imposés de cette ville consultés approuvèrent le projet comme conforme à l’article 2 de la loi municipale du 18 juillet 1837, en considérant que les communes dont l’adjonction est proposée sont situées très à proximité de la ville et que, sous tous les rapports, elles semblent naturellement à en faire partie, particulièrement celle de Bidos, à cause de sa position sur la route royale d’Espagne, parait être sur cette route la continuation d’une des rues de la ville. Sainte-Marie on le voit n’hésitait pas dénier aux autres communes ce droit à l’existence qu’elle venait de défendre si âprement en face d’Oloron.

Bien entendu les 2 communes menacées refusèrent, embarrassée l’Administration transigea. Bidos, que Sainte-Marie lorgnait davantage, mais qui débordait sur la rive droite du gave d’Aspe du côté d’Oloron resta indépendante. Légugnon, plus lointaine mais située tout entière sur la rive gauche, fut annexée par ordonnance royale du 14 avril 1841. La petite commune rurale avant de disparaître, lança un cri pathétique :

« Légugnon ne devait pas s’attendre à une adjonction qui la blesse profondément dans ses habitudes, ses mœurs, ses besoins et ses intérêts En effet, Légugnon, on peut hautement le déclarer, est une de ces associations modèles qui se distinguent par une réputation de vertu antique, de mœurs vraiment patriarcales et surtout par son dévouement et sa soumission aux lois. Les discussions, les procès y sont inconnus parce que la communauté, qui ne forme pour ainsi dire qu’une seule famille, cède toujours à l’heureuse influence d’un administrateur intelligent, éprouvé et révéré par sa justice. Par des ressources sagement ménagées, il possède une jolie église et une maison d’école convenable, toutes ses familles sont propriétaires et livrées aux travaux agricoles. Or, les réunions à une ville essentiellement commerciale, dont les habitudes sont absolument opposées, les contraindre à se transporter à plus de 3 kilomètres pour les actes de l’état civil, et généralement pour les affaires exigeant le concours de l’autorité municipale ; c’est les exposer à perdre un temps précieux, à contracter par le contact de la ville des habitudes pernicieuses et funestes, c’est leur enlever sans nécessité la protection , la sage et vigilante direction locale dont ils ont le plus grand besoin ; c’est les punir en quelque sorte de leur dévouement, de leur empressement à satisfaire aux ordres administratifs ; c’est leur faire perdre, un instituteur communal indispensable à raison de l’éloignement. C’est par-dessus tout, une mesure impolitique, irritante, provoquant la désaffection d’une population dévouée mais atteinte profondément au cœur dans ce que l’esprit de localité a de plus sacré, et qui ne se soumettrait jamais, il faut l’avouer, qu’avec difficulté et une répugnance invincible. »